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Lactose et modulation du microbiote intestinal

Le lactose est un constituant emblématique du lait de Mammifères, y compris dans le lait humain. Souvent associé à l’intolérance, le lactose comporte une connotation relativement négative en termes de santé humaine. Pourtant, de récentes recherches ont permis de reconsidérer les fonctions biologiques du lactose. En tant que glucides complexes, il pourrait ainsi jouer un rôle clef notamment dans la modulation du microbiote intestinal.

 

Premières hypothèses sur le lactose alimentaire

Jusqu’à présent, le lien entre lactose et santé humaine a toujours été perçu sous l’angle négatif de l’intolérance au lactose ; ceci en lien avec l’absence de lactase, et donc de capacité à digérer le lactose, chez un certain nombre de personnes. À partir des années 1990, la découverte de la flore intestinale, plus tard dénommée « microbiote intestinal », marque le début de l’intérêt pour les denrées alimentaires / nutriments non digérées par   l’organisme : la première définition des prébiotiques sera ainsi donnée en 1995, le lactose étant explicitement cité dans cette définition [2].

L’hypothèse selon laquelle le lactose aurait la faculté de moduler la composition du microbiote intestinal n’émergera que plus tard, reprenant la définition donnée en 1995 des prébiotiques. Par deux fois, le chercheur canadien Andrew Szilagyi suggèrera de « ré-évaluer » les effets du lactose alimentaire, compte tenu des récentes découvertes sur le microbiote intestinal [6,7].

 

Modulation du microbiote intestinal par le lactose alimentaire

 

Les premières études suggérant une modulation du microbiote intestinal par le lactose alimentaire remontent à la fin des années 1990. Une première expérience in vitro montre que l’incubation de selles humaines en présence de lactose a la capacité de modifier la flore aérobie [8]. De manière concordante, une étude clinique montrera également une diminution de la production de dihydrogène (H2) suite à une supplémentation en lactose chez des participants n’étant pas capables de digérer du lactose [5]: pouvant ainsi être interprété par une augmentation de bifidobactéries non productrices d’H2 suite à la consommation du lactose [6]. À cette époque cependant, les auteurs n’avaient pas pu analyser la composition des microbiotes intestinaux, afin de détecter d’éventuels changements.

Par la suite, plusieurs travaux in vitro ont pu confirmer que le lactose était bien utilisé par certaines bactéries de l’intestin notammant via . l’enzyme bactérienne phospho-β-galactosidase qui  hydrolyse le lactose en glucose et en galactose [9]. Cette activité est se manifeste surtout au niveau du côlon, où près de 81% des bactéries de cette zone de l’intestin possèdent cette enzyme [3,4]. De la même manière que la fermentation d’autres glucides complexes, des acides gras à chaîne courte ainsi que des gaz sont produits lors de cette hydrolyse du lactose. Ces acides gras à chaîne serviraient de source d’énergie aux cellules intestinales, et leur production serait associée à des bénéfices physiologiques.

 

L’étude de Francavilla et collaborateurs montre sans ambiguïté que le lactose alimentaire modifie la composition du microbiote intestinal

L’amélioration des moyens de séquençage permettra de réaliser des études plus précises, et de révéler la capacité du lactose à modifier la composition du microbiote intestinal. À ce jour, seule l’étude de Francavilla et collaborateurs montre sans ambiguïté que le lactose alimentaire modifie la composition du microbiote intestinal [1]. Pendant 2 mois, des nourrissons sujets à l’allergie au lait de vache ont consommé successivement des formules infantiles dépourvues de lactose, puis les mêmes formules mais comportant cette fois du lactose. Suite à la consommation des formules infantiles comportant du lactose, les nourrissons ont vu une augmentation de la quantité de bifidobactéries, avec en parallèle une augmentation d’acides gras à chaîne courte [1]. Les auteurs insistent sur le fait que chez les nourrissons, le lactose n’est pas digéré en totalité dans l’intestin grêle ; une partie peut donc atteindre le gros intestin pour exercer un potentiel effet prébiotique.

 

Conclusion

Plusieurs études, in vitro et cliniques, montrent que le lactose aurait ainsi la capacité de moduler la composition du microbiote intestinal. Malheureusement à ce jour et comparativement à d’autres prébiotiques, le lactose ne bénéficie pas du même intérêt en recherche.

Pourtant les résultats disponibles jusqu’à présent soulignent que le lactose possèderait des propriétés intéressantes, notamment sur la composition du microbiote intestinal. D’autres travaux de d’approfondissement seront à venir pour réellement définir les propriétés prébiotiques du lactose. On notera également tous les travaux concernant les dérivés du lactose (HMO, Lactulose…)

Le lactose a encore de nombreux secrets à nous dévoiler.

 

Sources :

[1] Francavilla, R., Calasso, M., Calace, L., Siragusa, S., Ndagijimana, M., Vernocchi, P., … & De Angelis, M. (2012). Effect of lactose on gut microbiota and metabolome of infants with cow’s milk allergy. Pediatric allergy and immunology, 23(5), 420-427.
[2] Gibson, G. R., & Roberfroid, M. B. (1995). Dietary modulation of the human colonic microbiota: introducing the concept of prebiotics. The Journal of nutrition, 125(6), 1401-1412.
[3] He, T., Priebe, M. G., Vonk, R. J., & Welling, G. W. (2005). Identification of bacteria with β-galactosidase activity in faeces from lactase non-persistent subjects. FEMS microbiology ecology, 54(3), 463-469.
[4] He, T., Venema, K., Priebe, M. G., Welling, G. W., Brummer, R. J., & Vonk, R. J. (2008). The role of colonic metabolism in lactose intolerance. European journal of clinical investigation, 38(8), 541-547.
[5] Hertzler, S. R., & Savaiano, D. A. (1996). Colonic adaptation to daily lactose feeding in lactose maldigesters reduces lactose intolerance. The American journal of clinical nutrition, 64(2), 232-236.
[6] Szilagyi, A. (2002). Lactose—a potential prebiotic. Alimentary pharmacology & therapeutics, 16(9), 1591-1602.
[7] Szilagyi, A. (2004). Redefining lactose as a conditional prebiotic. Canadian Journal of Gastroenterology, 18(3), 163-167.
[8] Uribe-Esquivel, M., Moran V, S., Poo, J. L., & Munoz, R. M. (1997). In vitro and in vivo lactose and lactulose effects on colonic fermentation and portal-systemic encephalopathy parameters. Scandinavian Journal of Gastroenterology, 32(sup222), 49-52.
[9] Venema, K. (2012). Intestinal fermentation of lactose and prebiotic lactose derivatives, including human milk oligosaccharides. International Dairy Journal, 22(2), 123-140.

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Auteur : FOODINNOV NUTRITION

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