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Protéines de lait et santé cardiovasculaire

Au niveau mondial, les maladies cardiovasculaires font partie des causes majeures de mortalité. La prévention des maladies cardiovasculaires, par un mode de vie sain mais aussi par des mesures nutritionnelles adéquates, est un enjeu de santé publique. La consommation de produits laitiers, à plusieurs reprises, a été corrélée dans des études observationnelles au risque de maladies cardiovasculaires : plus cette consommation est élevée, moins le risque est élevé.

À ce titre, le rôle des protéines présentes dans le lait, en particulier des caséines et des protéines de lactosérum, a été très exploré par les scientifiques. Le rôle de ces protéines sur trois déterminants des maladies cardiovasculaires a été exploré : sur la tension artérielle, sur la fonction vasculaire, et enfin sur le profil lipidique.

 

Protéines de lait et tension artérielle

 

cardiovasculaires

L’hypertension artérielle (HTA) correspond à une augmentation anormale de la pression du sang sur la paroi des artères, diagnostiquée lorsque les pressions artérielles systolique et diastolique sont supérieures à 140 mm Hg et 90 mm Hg, respectivement. Il s’agit d’un des facteurs de risque clé des maladies cardiovasculaires, mais aussi de la maladie chronique la plus fréquente dans le monde. Sur le plan nutritionnel, la limitation des apports en sels est considérée comme la mesure la plus efficace pour maintenir la tension artérielle à des niveaux normaux.

Le lien protecteur de certaines protéines laitières vis-à-vis de l’HTA a été suggéré dans les années 1990 : des études in vitro et pré-cliniques menées par des chercheurs japonais ont ainsi suggéré la capacité de certains peptides laitiers à inhiber l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE en anglais) [8, 9,10]. Cette enzyme est impliquée dans la capacité des artères à se contracter, et donc à favoriser l’HTA. Les peptides laitiers impliqués, libérés après digestion intestinale, correspondent à deux séquences particulières : la valine-proline-proline (VPP), et l’isoleucine-proline-proline (IPP). Par la suite, de nombreux essais cliniques au Japon ont été effectués pour confirmer ces bénéfices : une méta-analyse de ces essais cliniques a ainsi conclu à une réduction moyenne de la pression systolique de -5,63 mm Hg, les durées de supplémentation s’échelonnant de 4 à 12 semaines [2]. D’autres méta-analyses, incluant un plus large nombre d’études cliniques, arrivent à des conclusions similaires [6].

En complément de ces études testant l’effet de peptides, la question est de savoir si la supplémentation en protéines de lait (caséines et protéines de lactosérum) produit des effets similaires. Le design expérimental reste identique dans les deux études, où il s’agit de comparer les effets de la protéine de lactosérum, de la caséine, et de la maltodextrine (condition contrôle), selon un design expérimental en cross-over permettant à chaque volontaire d’être son propre contrôle. En 2016, 38 volontaires participent à une première étude qui vise à évaluer l’effet des trois conditions sur la tension artérielle mesurée pendant 24 h : seules les protéines de lactosérum sont parvenues à baisser significativement la tension artérielle systolique (- 3,9 mm Hg) et diastolique (- 2,5 mm Hg) comparativement à la condition contrôle [4]. Dans une seconde étude, en 2018, les chercheurs ont cette fois rassemblé 27 volontaires pour étudier l’effet des trois conditions expérimentales sur la tension artérielle en conditions post-prandiales : là encore, les protéines de lactosérum se sont révélées plus efficaces que les deux autres conditions (caséines et maltodextrine) [5].

 

Protéines de lait et fonction vasculaire

 

La fonction vasculaire est très liée à la tension artérielle, puisqu’elle fait référence à la santé des artères et à leur capacité à se dilater pour réguler le flux sanguin. Une artère qui sera « souple » aura tendance à être en meilleure santé qu’une artère « rigide », qui aura plus de mal à alterner les mouvements de dilatation et de constriction. De ce fait, les résultats observés plus haut peuvent s’expliquer par des améliorations de la fonction vasculaire, et réciproquement.

Sur ce niveau, là aussi, aussi bien des peptides dérivés de protéines laitières, que des protéines laitières, ont été testées, parfois dans les mêmes études que rapportées plus haut. Les peptides IPP et VPP, supplémentés chez des volontaires japonais en légère HTA pendant deux semaines, ont augmenté de manière significative le débit maximal sanguin vers plusieurs organes [7]. Quelques études existent aussi avec le peptide NOP-47, dérivé des protéines de lactosérum : chez des volontaires sans HTA diagnostiquée, la supplémentation en NOP-47 a également amélioré le flux artériel [1]. Aucune étude n’ayant directement comparé les effets des peptides de caséines et des peptides des protéines de lactosérum, il n’est pas possible de dire si certains peptides sont plus efficaces que d’autres ; tous semblent pour l’heure probants sur la fonction vasculaire.

Quelques études cliniques ont aussi été réalisées avec des protéines de lait. Le groupe de recherche d’Agnès Fekete a ainsi comparé directement l’effet des caséines et des protéines de lactosérum sur la fonction vasculaire, en situation « normale » et en période post-prandiale. En situation physiologique « normale », chez des patients atteints d’HTA, les caséines et les protéines de lactosérum font aussi bien l’une que l’autre, améliorant significativement le flux artériel comparativement à la condition contrôle [4]. En conditions post-prandiales, ce sont en revanche les protéines de lactosérum qui se démarquent, étant les seules à améliorer ce flux artériel [5]. Il est intéressant de noter que cette amélioration se corrèle avec la baisse de la tension artérielle pour les protéines de lactosérum, mais pas pour les caséines : suggérant ainsi des mécanismes d’action différents pour les deux protéines.

 

Protéines de lait et profil lipidique

Le profil lipidique constitue également un autre paramètre de risque cardiovasculaire, et correspond généralement à l’étude des taux circulants de cholestérol (cholestérol total, cholestérol-HDL et cholestérol-LDL), ainsi qu’à l’étude des concentrations plasmatiques en triglycérides. Les travaux de recherche concordent sur la nécessité de surveiller les concentrations de ces critères, pour prévenir les risques de maladies cardiovasculaires. Concernant ce profil lipidique, les protéines laitières (caséines et protéines de lactosérum) ont été exclusivement étudiées jusqu’à présent ; l’effet des peptides dérivés de ces protéines n’a pas été directement exploré, et est donc inconnu à ce jour.

Plusieurs études citées plus haut se retrouvent dans cette section, les auteurs ayant également mesuré l’impact des supplémentations données sur le profil lipidique. Ainsi, une étude de supplémentation en protéines de lactosérum, ou en caséines, chez des personnes atteintes d’une légère HTA, montre une réduction significative du cholestérol total circulant ; seules les protéines de lactosérum sont en revanche capables dans l’étude de baisser de manière significative les taux circulants de triglycérides [4]. De manière concordante, d’autres chercheurs ont retrouvé un effet similaire des protéines de lactosérum chez des personnes en surpoids ou obèses : baisses significatives des taux circulants de cholestérol total, de LDL-cholestérol et des triglycérides circulants [11].

Plusieurs mécanismes d’action sont envisagés pour expliquer ces bénéfices, constatés pour les caséines mais surtout pour les protéines de lactosérum. Du côté des caséines, plusieurs chercheurs évoquent les fortes teneurs en calcium, capables selon eux de se complexer avec les acides gras et les acides biliaires pour former des ensembles insolubles, non absorbables et en conséquence éliminés par l’organisme ; expliquant potentiellement la baisse des triglycérides circulants [12]. Pour ce qui est des protéines de lactosérum, c’est en revanche la forte teneur en acides aminés à chaîne branchée (BCAA) qui pourrait être la clé : ces acides aminés sont en effet impliqués dans l’absorption intestinale des acides gras et du cholestérol, pouvant de ce fait expliquer la baisse constatée cliniquement de ces paramètres [3].

 

Conclusion

L’effet physiologique des protéines de lait sur la fonction cardiovasculaire est relativement méconnu ; les protéines laitières étant généralement associées à d’autres types de bénéfices physiologiques, comme la satiété, la synthèse de masse musculaire ou encore le maintien d’une glycémie dans des valeurs normales. Pourtant, de nombreux travaux de recherche, y compris cliniques, existent pour suggérer des bénéfices physiologiques de ces protéines sur le plan cardiovasculaire, et ce à trois niveaux : au niveau de la tension artérielle, de la fonction vasculaire, et du profil lipidique.

Les effets sur la tension artérielle et la fonction vasculaire sont très proches l’un de l’autre sur le plan physiologique, et sont sans doute les plus probants au vu du nombre d’essais cliniques menés à la fois sur les protéines, et sur les peptides dérivés de ces protéines. L’impact des protéines laitières (caséines et protéines de lactosérum) sur le profil lipidique est moins exploré, mais les résultats d’essais cliniques sont prometteurs. Pris dans leur ensemble, ces résultats peuvent expliquer l’association protectrice entre consommation de produits laitiers et risque de maladies cardiovasculaires. Enfin, les études cliniques ayant recours à une supplémentation en protéines pures, suggèrent également que ces protéines ont un impact indépendant de leur matrice d’origine, et peuvent donc être incorporées à ce titre dans une large gamme d’aliments pour exercer leurs effets physiologiques.

 

Sources :
[1] Ballard, K. D., Bruno, R. S., Seip, R. L., Quann, E. E., Volk, B. M., Freidenreich, D. J., Kawiecki, D., Kupchak, B. R., Chung, M., Kraemer, W. J., & Volek, J. S. (2009). Acute ingestion of a novel whey-derived peptide improves vascular endothelial responses in healthy individuals: a randomized, placebo controlled trial. Nutrition Journal, 8(1). https://doi.org/10.1186/1475-2891-8-34
[2] Chanson-Rolle, A., Aubin, F., Braesco, V., Hamasaki, T., & Kitakaze, M. (2015). Influence of the lactotripeptides Isoleucine–Proline–Proline and Valine–Proline–Proline on systolic blood pressure in Japanese subjects: A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. PLOS ONE, 10(11), e0142235. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0142235
[3] Chen, Q., & Reimer, R. A. (2009). Dairy protein and leucine alter GLP-1 release and mRNA of genes involved in intestinal lipid metabolism in vitro. Nutrition, 25(3), 340–349. https://doi.org/10.1016/j.nut.2008.08.012
[4] Fekete, A., Giromini, C., Chatzidiakou, Y., Givens, D., & Lovegrove, J. A. (2016). Whey protein lowers blood pressure and improves endothelial function and lipid biomarkers in adults with prehypertension and mild hypertension: results from the chronic Whey2Go randomized controlled trial ,. The American Journal of Clinical Nutrition, 104(6), 1534–1544. https://doi.org/10.3945/ajcn.116.137919
[5] Fekete, A., Giromini, C., Chatzidiakou, Y., Givens, D., & Lovegrove, J. A. (2018). Whey protein lowers systolic blood pressure and Ca-caseinate reduces serum TAG after a high-fat meal in mildly hypertensive adults. Scientific Reports, 8(1). https://doi.org/10.1038/s41598-018-23333-2
[6] Fekete, A., Givens, D., & Lovegrove, J. A. (2015). Casein-Derived lactotripeptides reduce systolic and diastolic blood pressure in a Meta-Analysis of randomised clinical trials. Nutrients, 7(1), 659–681. https://doi.org/10.3390/nu7010659
[7] Hirota, T., Ohki, K., Kawagishi, R., Kajimoto, Y., Mizuno, S., Nakamura, Y., & Kitakaze, M. (2007). Casein hydrolysate containing the antihypertensive tripeptides Val-Pro-Pro and Ile-Pro-Pro improves vascular endothelial function independent of blood Pressure-Lowering effects: contribution of the inhibitory action of Angiotensin-Converting enzyme. Hypertension Research, 30(6), 489–496. https://doi.org/10.1291/hypres.30.489
[8] Masuda, O., Nakamura, Y., & Takano, T. (1996). Antihypertensive Peptides Are Present in Aorta after Oral Administration of Sour Milk Containing These Peptides to Spontaneously Hypertensive Rats. Journal of Nutrition, 126(12), 3063–3068. https://doi.org/10.1093/jn/126.12.3063
[9] Nakamura, Y., Masuda, O., & Takano, T. (1996). Decrease of Tissue Angiotensin I-Converting Enzyme Activity upon Feeding Sour Milk in Spontaneously Hypertensive Rats. Bioscience, Biotechnology, and Biochemistry, 60(3), 488–489. https://doi.org/10.1271/bbb.60.488
[10] Nakamura, Y., Yamamoto, N., Sakai, K., Okubo, A., Yamazaki, S., & Takano, T. (1995). Purification and Characterization of Angiotensin I-Converting Enzyme Inhibitors from Sour Milk. Journal of Dairy Science, 78(4), 777–783. https://doi.org/10.3168/jds.s0022-0302(95)76689-9
[11] Pal, S., Ellis, V., & Dhaliwal, S. S. (2010). Effects of whey protein isolate on body composition, lipids, insulin and glucose in overweight and obese individuals. British Journal of Nutrition, 104(5), 716–723. https://doi.org/10.1017/s0007114510000991
[12] Thorning, T. K., Bertram, H. C., Bonjour, J., De Groot, L. C. P. G. M., Dupont, D., Feeney, E. L., Ipsen, R., Lecerf, J., Mackie, A., McKinley, M., Michalski, M., Rémond, D., Risérus, U., Soedamah-Muthu, S. S., Tholstrup, T., Weaver, C. M., Astrup, A., & Givens, I. (2017). Whole dairy matrix or single nutrients in assessment of health effects: current evidence and knowledge gaps ,. The American Journal of Clinical Nutrition, 105(5), 1033–1045. https://doi.org/10.3945/ajcn.116.151548

 

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Auteur : FOODINNOV

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