risque de pénurie mondiale
Tendances

Risque de pénurie mondiale en matière grasse laitière

Ralentissement de la collecte laitière mondiale et baisse de la disponibilité en matière grasse

La collecte laitière chez les principaux pays exportateurs peine à se ressaisir, poursuivant une production 2021 déjà peu dynamique. En janvier 2022, la collecte globale a enregistré un ralentissement de la production de 2% comparé à janvier 2021.1 Cette perte de dynamisme entraînant mécaniquement une diminution de la disponibilité en matière grasse.

Alors que l’Europe entre dans sa saison printanière, synonyme d’une collecte laitière plus importante, cette dernière semble progresser plus lentement que les autres années. La collecte de janvier est en baisse de quasiment 1% comparé à janvier 2021 dans la région et les tendances sur les semaines de février et début mars semblent confirmer ce manque de dynamisme.2 Les producteurs sont confrontés à une flambée des coûts de production, les incitant donc à la prudence.

Cette hausse des coûts des intrants impacte les producteurs du monde entier et plombe donc également la collecte aux Etats-Unis et en Océanie. Ces deux régions ne sont, d’autant plus, pas épargnée par la météo. Le temps est chaud et sec, réduisant fortement la productivité des exploitations. La sécheresse est déjà critique dans certaines régions de l’Etat Américain alors que le printemps débute à peine.3

Toujours autant d’engouement pour le fromage

La majorité du lait collecté au niveau mondial est principalement utilisée pour la production de fromages, de beurre et de crème. En Union Européenne, les productions de crème et de fromages ont respectivement augmentées de 2.7% et 1.9%. 2

En 2021, la demande en crème et fromage a été particulièrement dynamique. Le marché du fromage a bénéficié d’une forte demande post Covid en restauration hors foyer, d’exportations dynamiques ainsi qu’une forte demande pour son coproduit, le lactosérum.

Les ventes de crèmes se situent, quant à elles, au-dessus de leur niveau de 2019. Les prix de ces deux produits ont donc augmenté,  provoquant ainsi une réduction de l’écart de prix entre crème et beurre. Ce phénomène limite alors l’intérêt à baratter et incite donc les producteurs à transformer le lait et sa matière grasse en fromages et en crème, au détriment du beurre. Ainsi la production de beurre aurait diminuée de 2.7% en 2021. 2

Fort dynamisme de la demande mondiale en beurre

Concernant la demande, il existe un véritable engouement pour les produits au beurre, avec des consommateurs mondiaux de plus en plus friands de cet ingrédient. Certains marchés, comme la Chine ou le Moyen-Orient, développent un attrait de plus en plus marqué pour les produits de la Viennoiserie, Pâtisserie voire de la Biscuiterie « Au Beurre » en échos à la gastronomie occidentale, ce qui contribue à augmenter la demande.

Cette dernière est aujourd’hui très dynamique, à la fois de la part des grossistes ou des industriels de la Biscuiterie, de la Viennoiserie & Pâtisserie, provoquant de fortes tensions sur les approvisionnements. Le marché est aujourd’hui très tendu et les opérateurs peinent à satisfaire les commandes.

Un marché pénurique sous tension

Les exportations 2021 des principaux exportateurs, la Nouvelle Zélande et l’Union Européenne, étaient en baisse, plombées par un manque de disponibilité matière et non pas par une baisse de la demande. La Chine a fortement augmenté ses importations en 2021, captant une grande partie des volumes à l’export.4

    • L’Union Européenne a fortement diminué ses exportations, par manque de disponibilité et du fait d’une demande interne en hausse. La consommation européenne de beurre est effectivement dynamique, autant en PGC qu’en industrie agroalimentaire. L’Europe est aujourd’hui un marché pénurique, avec une production qui nourrit principalement la consommation locale et qui ne permet pas toujours, lorsque la production est en baisse ou lorsque la demande intra-communautaire est dynamique, d’être présent à l’export.

 

    • La Nouvelle Zélande a concentré ses exportations sur la poudre de lait entier et le fromage, au détriment des autres produits laitiers tel que le beurre.

 

    • Seuls les Etats-Unis, pourtant petits exportateurs de matière grasse, ont profité du dynamisme de la demande pour fortement augmenter leurs exportations en 2021, doublant leurs volumes à l’export comparé aux niveaux traditionnels.

 

Des prix historiques jamais atteints

Cette situation de tension entre offre et demande modifie donc fortement le prix d’équilibre de la matière grasse laitière. Le beurre, comme quasiment l’ensemble des ingrédients laitiers, voit donc ses cotations s’envoler et atteindre des niveaux historiques. Le prix du beurre dépasse aujourd’hui les maximums de ces dernières années, avec une cotation du beurre vrac qui continue de progresser, dépassant les 6 450€ la tonne, en augmentation de quasiment 80% par rapport à la même période de 2021. 5

Une situation amenée à durer ?

Les évènements géopolitiques actuels ainsi que les prévisions sur l’évolution de différents indicateurs, tels que le climat ou les préoccupations environnementales en lien avec la collecte laitière, semblent laisser penser que cette situation pourrait perdurer sur les prochains mois.

Aucun signe  ne semble montrer, aujourd’hui, que la collecte, et donc la disponibilité en matière grasse, pourrait retrouver une tendance dynamique dans les mois à venir. Toute la question réside dans le maintien, ou non, de la demande, surtout à des niveaux de prix aussi élevés.

1 : Eurostat, MMO, USDA, DCANZ, Dairy Australia, Ministro de Agricultura Argentina, AHDB, ZMB, CLAL
: Eurostat
: USDA
4 : GTIS
5 : ATLA

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Auteur : Aline Hazard Antoine

Aline Hazard Antoine travaille au sein du département Marketing de Lactalis Ingredients en tant que chargée d’études et analyse des marchés. Titulaire d’un diplôme d’ingénieur en Agroalimentaire, elle est spécialisée en Agroéconomie et politique des marchés agricoles. Elle s’occupe des études de marché, applications et produits ; de l’analyse des grands échanges mondiaux et suit les évolutions de l’économie laitière. Elle est également en charge de la concurrence.